Quels sont les mécanismes de la peur ?
La peur est présente dans notre vie d’humain comme elle l’est dans celle de tout autre animal. Mais parfois, elle nous handicape. Peut-être devient-elle trop envahissante ? Peut-être vous paralyse-t-elle, vous rendant incapable d’avancer ? Peut-être nuit-elle même à votre santé ? Si vous voulez comprendre pourquoi, cet article est pour vous !
Que fait-elle à mon corps ?
Imaginons que vous n’êtes pas face à un danger vital imminent, mais que vous avez peur : vous regardez un fils effrayant, par exemple. Quand vous sentez l’émotion monter en vous, ne réagissez pas immédiatement. Prenez un instant pour respirer, et observez ce qu’il se passe en vous. Quel est votre ressenti ?
D’abord, la surprise.
Immédiatement, de l’adrénaline est relâchée dans votre flux sanguin et augmente l’irrigation de votre cerveau. Dans un premier temps, vous allez marquer un moment d’arrêt. Votre souffle est coupé. Vos yeux s’écarquillent et vos sens s’exacerbent. Vous êtes à l’affût de tout ce qui peut se passer dans votre environnement. Cette émotion très brève, c’est de la surprise. Si vous détectez un danger, elle va laisser place à la peur.
Ensuite la peur.
Dans ce cas, votre rythme cardiaque augmente et la respiration s’accélère sous l’effet de l’adrénaline. Par suite, le foie libère du sucre, votre sang afflue dans les muscles moteurs et votre système digestif est mis en veille.
Peut-être avez-vous les poils qui se dressent, vestige d’une réaction animale visant à paraître plus gros face à un prédateur ? Vous avez peut-être aussi des sueurs froides, ce qui rafraîchit votre corps pour le préparer à un effort musculaire soudain. Des frissons peuvent apparaître.
Votre corps peut même s’alléger de quelques matières inutiles avec le relâchement des sphincters urinaire et anal. Dans les cas extrêmes, vous pouvez perdre en quelques heures vos cheveux pigmentés pour ne garder que les blancs, ce qui donne l’impression que vos cheveux ont blanchi d’un coup (canitie subite).
Ce que la peur fait pour votre bien.
La peur stimule.
Les réactions physiologiques listées ci-dessus augmentent votre attention, stimulent votre cerveau et préparent votre corps à un effort violent et soudain. Face au danger, c’est ainsi que vous serez prêt à la fuite, ou éventuellement à l’attaque si la fuite n’est pas possible.
Si la fuite ou l’attaque sont toutes deux impossibles, il reste la solution de « faire le mort » pour échapper au regard et à l’attention du prédateur. En effet, dans ce cas, c’est le Système Inhibiteur de l’Action, mis en évidence par Henri Laborit, qui prend le contrôle.
Source principale de motivation à travers l’histoire humaine, la peur demeure un puissant aiguillon pour nous aujourd’hui : elle nous enjoint à rechercher activement une plus grande sécurité ou de meilleures conditions de vie, et mobilise toutes nos capacités à cette fin.
La peur peut évoluer vers une phase de résistance lorsque le danger est plus durable. L’organisme libère alors d’autres hormones, dont le cortisol qui intervient dans la régulation de la tension artérielle, la fonction cardiovasculaire et le système immunitaire.
La peur fait plaisir.
Une fois le danger passé, soit parce que nous l’avons fui, soit parce que nous avons vaincu l’agresseur, soit parce qu’il s’est éloigné, notre système de récompense est activé dans notre cerveau. Des neurotransmetteurs, notamment la dopamine, les endorphines et les cannabinoïdes permettent à notre corps de se détendre et de revenir peu à peu à son fonctionnement habituel.
C’est ainsi qu’on peut détourner les mécanismes de la peur pour produire une expérience plaisante, les amateurs de films d’épouvante le savent bien. Tout d’abord, nous sommes envahis par l’excitation, puis, une fois la peur passée, nous ressentons une sensation de bien être. S’ajoute à cela le plaisir qu’on peut tirer de la cohésion sociale : en effet, si on a eu peur ensemble et qu’on a affronté les défis ensemble, il en résulte un renforcement des liens sociaux au sein du groupe. Cette fois ci, l’hormone en jeu est l’ocytocine.
Que se passe-t-il quand nous ne pouvons pas agir ?
Comme nous l’avons vu, si la fuite ou l’attaque ne sont pas possibles, des glucocorticoïdes, notamment le cortisol, sont libérées qui stimulent le Système d’Inhibition de l’Action. Si le danger ne disparaît pas, le SIA provoque à nouveau la libération de glucocorticoïdes qui le stimulent encore. Ainsi, un cercle vicieux se met en place qui induit sans cesse de nouvelles libérations de glucocorticoïdes dans l’organisme.
Lorsque le danger est à la fois diffus et durable, souvent, l’émotion ressentie n’est plus de la peur, mais des émotions voisines : de l’anxiété, de l’angoisse ou du stress. Dans ce cas, le même cercle vicieux se met en place, et l’émotion perdure.
Comment les mécanismes de la peur nous nuisent.
La peur détruit l’immunité.
Si la peur s’installe à travers les SIA, notre flux sanguin véhicule durablement du cortisol et de la cortisone vers tous nos organes. Elles détruisent notre système immunitaire et nous rendent fragile devant les infections. De plus, notre système immunitaire déficient ne sera pas en mesure de reconnaître et de détruire les cellules mutantes de notre organisme, et permettra donc leur prolifération, et par suite, l’installation du cancer.
La peur favorise les maladies cardiovasculaires.
Ces hormones vont également favoriser la constriction de nos vaisseaux sanguins, et provoquer l’apparition de l’hypertension. Ses complications sont connues : AVC, infarctus, maladies cardiovasculaires notamment.
Elle mène à la dépression.
Elles ont aussi un effet connu sur le sommeil : on a un sommeil de mauvaise qualité avec des phases de rêve moins présentes, voire on devient carrément insomniaque. Le sommeil n’est plus réparateur, et on sombre progressivement dans la dépression.
Elle nous fait vieillir.
Les glucocorticoïdes inhibent également la production de nouveaux neurones. S’ajoute à cette longue liste de méfaits l’effet délétère de la peur sur le diabète, les ulcères et l’accélération du vieillissement par le biais des radicaux libres ainsi générés.
Les mécanismes de la peur existent pour nous permettre d’éviter un danger imminent et défini par une action puissante et immédiate. Pour cela, elle puise énormément dans les ressources de l’organisme. Elle réclame une action physique face à un danger physique pour lequel elle est adaptée, de manière à assurer notre survie.
Quels sont les mécanismes de la peur quand on vit en société ?
Quand nos besoins individuels entrent en conflit avec ceux de la société.
Notre instinct individuel nous pousse à rechercher des situations qui nous apportent du plaisir, car il nous informe qu’un de nos besoins a été satisfait, de la joie qui nous dit qu’un évènement s’est produit qui est bon pour nous, et du bonheur, qui témoigne du fait que nous sommes dans une situation optimale.
Mais, en tant qu’individu, nous appartenons à une société. Et cette société a d’autres priorités que notre bien être individuel. Il est vital pour elle de maintenir sa cohésion, même au prix du bien être des individus qui la composent. C’est ainsi qu’elle nous impose des règles de vie en communauté, des obligations et des interdits que nous intégrons plus ou moins consciemment au long de notre éducation.
Nous inhibons nos actions.
Ainsi, nous ne pouvons pas fuir parce que notre survie dépend de notre appartenance au groupe. Et nous ne pouvons pas nous battre, car notre violence sera réprimée. Si nous ne parvenons pas à trouver de solution, nous ne pouvons qu’utiliser notre dernier recours : l’inhibition de l’action, ce qui, nous l’avons vu, est toxique au long cours.
Quelles issues ?
Quand nous notre Système d’Inhibition à l’Action est activé, nous ne pouvons plus agir. Nous restons paralysé tant que le danger ne s’est pas éloigné. Mais dans les situations de conflit entre intérêt individuel et intérêt collectif, la situation peut perdurer. L’individu fait alors face à un autre danger. En effet, les mécanismes de la peur qui existent pour le sauver deviennent les instigateurs de sa propre mort.
Les solutions extrêmes.
Henri Laborit liste plusieurs issues possibles pour l’individu dans cette situation.
- Une névrose s’installe. Elle est l’ultime cri silencieux par lequel il exprime son mal-être à son environnement social.
- Il utilise des drogues ou l’alcool pour avoir l’impression d’échapper au contexte tout en activant artificiellement le système de récompense, dont la mise en route met fin au SIA.
- L’abandon de tout espoir fait sortir l’individu de la situation d’attente en tension, et donc de ses conséquences biologiques. C’est ainsi qu’un condamné à mort peut arriver à une certaine sérénité pour ses derniers instants.
- A l’issue d’une longue série de souffrances, il fuit dans l’imaginaire par le biais de la psychose.
- Il retourne sa violence contre lui-même d’une manière radicale, par le suicide, nommé souvent « passage à l’acte ».
- La créativité lui permet de libérer l’énergie pour agir dans un domaine particulier, et par ce biais, activer le système de récompense et sortir du cercle vicieux su SIA.
- Il participe à la protestation sociale par le biais, par exemple, de manifestations avec parfois des violences à la marge. Cela lui permet d’agir tout en développant un sentiment d’appartenance au groupe, ce qui produit en lui la libération d’ocytocine. Cette hormone augmente la confiance en soi et en autrui, ce qui soulage la peur.
Trouver des solutions moins extrêmes…
De la paralysie mentale qui met littéralement notre vie à l’arrêt à la destruction pure et simple de notre santé physique et mentale, la peur se révèle sans doute l’émotion qui peut nous être la plus nuisible si on la laisse s’installer.
A présent que nous connaissons les mécanismes de la peur, comment en sortir ? Comment éviter qu’elle prenne le contrôle ? Comment identifier des actions positives et constructives pour nous ? Et comment se remettre en mouvement quand on a peur, qu’on est angoissé, anxieux ou stressé ? Ce sera l’objet de mon prochain article.
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