Comment sortir de la tristesse
Douloureuse et invalidante, la tristesse est l’émotion qu’on espère tous éviter. Lorsqu’elle nous envahit, nous sommes généralement désemparés : que faire d’une émotion si prégnante et désagréable, voire même invalidante ? Après avoir vu à quel point elle est coûteuse pour notre corps et comment elle aiguise notre esprit, regardons ici comment sortir de la tristesse.
Surtout ne pas fuir !
Quand nous voyons monter devant nous cette déferlante de douleur, nous avons tous peur. Nous savons qu’elle va monter, s’abattre sur nous, et nous passer à la lessiveuse. Personne n’a envie de ça. Donc nous tentons de fuir.
Fuir la situation
Fuir d’abord la situation qui va générer cette douleur. Par exemple, on peut éviter la conversation fatidique quand on sait qu’on va se faire quitter. On peut refuser d’entendre le médecin qui doit nous annoncer le décès d’un proche. Ou encore refuser d’ouvrir l’enveloppe de notre lettre de licenciement.
Fuir l’émotion
Si cette situation a déjà eu lieu, on peut tenter d’éteindre la douleur avec de l’alcool, des anxiolytiques, en plongeant dans le divertissement à outrance, le travail à outrance ou même les conduites à risque, pour obliger notre esprit à se concentrer sur la survie plutôt que la tristesse. Autant le savoir tout de suite : tout cela est vain. Tôt ou tard, la tristesse parviendra à s’exprimer. Et plus on se sera abîmé avant, plus cela va être dur de la vivre.
Accepter
Donc, quand on voit arriver cette vague de tristesse, il vaut mieux la regarder précisément comme telle : une vague. Certes, elle va monter, nous frapper, nous retourner et nous malmener. Mais elle va ensuite retomber progressivement, et un jour, elle sera passée. Si on parvient à garder cela à l’esprit, on pourra éviter de se noyer dedans.
Au lieu de construire une digue pour lui résister, et donc encaisser toute sa puissance avec violence, il vaut mieux accepter d’aller avec son flux, de la sentir monter en nous, de nous soumette à ce qu’elle va nous faire vivre, puis a la laisser descendre doucement. Pourquoi ? Parce que nos émotions ont toutes une fonction. Elles ont été conservées lors de notre évolution parce qu’elles nous aident à survivre, et aussi à vivre. Même si elles sont douloureuses comme la tristesse.
Sortir de la tristesse en revenant au corps
Comme nous l’avons vu dans l’article Ce que la tristesse fait à notre corps, la tristesse met en jeu un certain nombre de mécanismes physiologiques. Les connaître et les observer dans notre corps permet d’éviter de perdre nos repères et de céder à la peur.
Observer ce qui se passe dans notre corps
- Mes jambes ne me portent plus, je n’ai plus aucune énergie, et j’ai plus envie de bouger. Je le constate, et je sais que c’est normal de ressentir ça quand on est triste.
- J’ai la gorge nouée, le cœur serré, je suis pâle et je ne ressens plus aucune tonicité. Je sais que c’est la tristesse qui fait ça.
- J’ai envie de pleurer. Cela va attirer la sympathie de mes proches pour que je me sente moins seul, et pleurer va soulager de 40 % l’intensité de ma tristesse.
- Je n’ai plus faim, ou au contraire, j’ai envie d’aliments riches et sucrés. C’est la tristesse qui agit sur moi.
- Je n’ai plus envie de rien et je ne trouve plus plaisir à rien. La seule chose que je ressente, c’est de la douleur morale. Je peux alors me rappeler que mon corps ne produit plus assez d’enképhalines, les opioïdes dont la fonction est d’éviter que le message douloureux arrive au cerveau. Cela me fait souffrir, mais cela aiguise aussi mes capacités mentales.
- Je suis envahi de pensées obsédantes au point que cela perturbe mon sommeil. La baisse de sérotonine que je subis à cause de la tristesse favorise cela. Cela m’oblige à réfléchir sur mon problème et sur ma souffrance encore et encore jusqu’à trouver un moyen de l’appréhender.
Garder des repères pour éviter la peur
Observer ce que la tristesse fait à notre corps permet d’accepter et d’intégrer ce qui nous arrive. Cela permet aussi de savoir où on en est du passage de la vague de tristesse. Donc on évite d’avoir le sentiment de perdre nos repères et le contrôle de notre vie. Et d’ajouter ainsi de la peur à la douleur.
Éviter d’avoir peur quand on est triste est une bonne chose, d’abord parce que la peur ajoute à notre souffrance. Et ensuite parce que la peur paralyse notre esprit, alors que la tristesse est là pour nous obliger à une réflexion et une remise en question cruciales. Si nous évitons la peur, la tristesse pourra remplir sa fonction sans entrave. Et donc nous serons triste moins longtemps.
Sortir de la tristesse en recherchant le lien
La tristesse se manifeste lorsque nous avons perdu un lien : d’amour, d’amitié, d’attachement, par exemple. Lorsque nous sommes tristes, notre corps manifeste des signes qui ont un rôle social : les pupilles qui se réduisent et attirent ainsi inconsciemment la sympathie de notre entourage, et les larmes qui donnent envie aux autres de nous prendre dans les bras et de nous consoler.
La tristesse sollicite nos proches
Si le corps envoie ces signaux, c’est parce que la tristesse nous paralyse, nous rend vulnérables et demande de notre part une introspection difficile. A ce moment-là, nous avons besoin de la bienveillance et de la protection de notre groupe social.
Mais ces signaux ont une seconde fonction. Alors que nous sommes tristes parce que nous avons perdu un lien, notre corps envoie les signaux nécessaires pour activer d’autres liens. Aller dans ce sens peut nous aider beaucoup lorsque nous sommes triste. Rechercher le lien avec d’autres personnes aide grandement à rendre la tristesse moins douloureuse.
Parler de notre tristesse
Nous pouvons faire cela pour avoir des interlocuteurs à qui parler de notre perte et de notre souffrance. Toutefois, si le dialogue ne consiste qu’à répéter nos pensées obsessionnelles et à les voir partagées et confirmées, nous dérivons alors en une rumination collective qui risque de retarder notre sortie de la tristesse. Mais si nos interlocuteurs sont capables d’une véritable écoute empathique et d’une capacité à remettre nos pensées en perspective, le dialogue peut alors aider notre réflexion personnelle à progresser vers la fin de la tristesse.
Ne pas parler de notre tristesse
Nous pouvons aussi rechercher le lien sans parler de notre tristesse. Nous pouvons simplement parler de tout et de rien, partager une sortie cinéma, restaurant ou une promenade juste pour le bénéfice du partage. Cela va nous « changer les idées », c’est à dire principalement activer d’autres liens, pour éviter de nous focaliser trop douloureusement sur celui qu’on a perdu. Cela remet notre perte en perspective par rapport à l’ensemble des liens qui existent dans notre vie, ce qui aide à lâcher prise et à faire le deuil de ce que nous avons perdu.
Sortir de la tristesse en comprenant son message
La tristesse nous envahit lors d’une perte. Quand nous perdons un proche, un travail, un lieu de vie ou un amour, notre vie en sera profondément modifiée. Nous ne pouvons plus vivre comme avant, et nos schémas mentaux précédents ne sont plus adaptés à notre vie d’après la perte.
Or, nous n’avons pas choisi cette situation. Nous n’avons donc pas envie de nous y adapter. La tristesse est là pour nous obliger à effectuer en nous cette transition à laquelle nous nous refusons. Plus nous allons refuser longtemps, plus la tristesse va durer et s’intensifier. Nous avons donc intérêt, quand nous sommes triste, à tenter d’entendre son message et de nous ouvrir aux changements nécessaires. Comment faire cela ? Nous pouvons tenter de répondre à ces questions.
Qu’est-ce qui me rend triste ?
Par exemple, je me sens triste parce que mon conjoint m’a quitté, ou je l’ai quitté, ou que j’ai aimé sans réciprocité. Parce qu’un proche est mort, ou un copain, ou mon animal familier. Ou parce que j’ai perdu mon emploi, que j’ai raté un examen. Ou encore parce que j’ai dû déménager, changer de région, et que j’ai le mal du pays.
Quand j’ai vécu cette perte, qu’est-ce que j’ai perdu exactement dans ma vie ?
Qu’est-ce que cette personne, animal, travail, cet examen ou lieu m’apportait que je n’aurai plus désormais ? Imaginons que mon chien soit mort. Que m’apportait-il ?
- Une présence bienveillante,
- un accueil enthousiaste quand je rentrais à la maison,
- un complice pour aller en balade,
- un compagnon de jeu,
- une motivation pour faire du sport,
- de la beauté,
- des câlins le soir devant la télé,
- une raison de me lever le matin,
- une sécurité,
- de l’affection,
- de bons souvenirs,
- un attachement de longue date,
- un amour inconditionnel,
- etc.
Parmi ces choses, qu’est-ce qui me manque le plus ?
Puis-je classer ces choses par ordre d’importance pour moi ? Peut-être que le plus difficile pour moi, c’est de ne plus avoir de présence quand je rendre chez moi le soir. Ou peut-être est-ce la joie que m’apportait nos moments de jeu. Ou encore le contact physique affectueux.
Ces choses qui me manquent depuis la perte correspondent à des besoins que j’ai. Ces besoins en disent long sur moi, sur mes valeurs, sur ce qui est important dans ma vie. J’ai alors l’opportunité de mieux me connaître et de réorienter ma vie. Peut-être pourrais-je aller vers ce qui est important pour moi d’une autre manière, par un chemin plus direct ou qui me convient mieux ? La tristesse aiguise l’esprit pour favoriser ce type de réflexion de fond. Il est important d’accepter de prendre le temps de la mener à bien.
Comment faire mon deuil de ce qui est irremplaçable ?
Je ne pourrai jamais remplacer ce que j’ai perdu : un autre chien ne sera jamais CE chien. Une autre ami ne remplacera jamais un ami décédé. Un autre amour ne remplacera jamais celui qui m’a quitté. Je vais devoir accepter de faire le deuil de cela. Je vais devoir accepter que cela prend du temps.
Je ne détaillerai pas ici le processus de deuil, qui est trop long et trop complexe pour faire simplement l’objet d’une phrase ici. Vous trouverez ici, ici et ici trois vidéos très bien faites sur le sujet.
Toutefois, il faut accepter que, quand j’ai vécu une perte, au début, je vais y penser tout le temps. Puis un peu moins souvent. Au début, ce sera terriblement douloureux. Puis un peu moins. Et un jour, j’y repenserai davantage avec reconnaissance qu’avec douleur : je serai reconnaissant d’avoir eu la chance de côtoyer cette personne, d’avoir eu ce chien, ou ce travail. Je deviendrai capable de voir ce que cela m’a apporté de bon dans ma vie et de ressentir de la gratitude pour ça. Ma tristesse se sera alors muée en nostalgie.
La nostalgie est une évolution particulière de la tristesse, dans la mesure où elle génère un sentiment enveloppant plutôt agréable. Elle apparaît souvent en nous quand nous sommes confronté à une émotion désagréable comme la solitude ou la vulnérabilité. Mais elle vient en réduire l’inconfort dans la mesure où on se remémore des moments heureux, qu’on a certes perdus, mais qui ont existé. Et c’est cela qui prend le dessus : la reconnaissance que ces moments aient existé dans notre vie. La nostalgie soutient donc notre estime de nous-même et nous rend plus aptes à affronter la situation présente.
Quels choix faire ensuite ?
Quand je suis parvenu à faire ce bilan, je me trouve face à un choix. Soit je ne veux plus jamais souffrir comme je souffre de cette perte, auquel cas j’évite de m’investir affectivement comme je l’avais fait.
Certaines personnes pensent, par exemple, que la mort de leur chien a été trop douloureuse, qu’ils ne veulent plus jamais vivre ça, et décident de ne plus reprendre de chien. D’autres choisissent de rester célibataires pour ne plus avoir de déceptions amoureuses. Ce choix implique, certes, moins de souffrance. Mais cela se fait au prix de l’intensité avec laquelle on vit. Réduire notre risque de souffrance, c’est mécaniquement diminuer notre capacité à ressentir de la joie, de l’amour, de l’enthousiasme.
Le second choix possible est d’accepter que la tristesse et la souffrance fassent partie de la vie. Pour les personnes qui font ce choix, l’amour, la joie et l’enthousiasme valent la peine de prendre le risque de souffrir à nouveau.
Comment combler mes besoins ?
Que je fasse l’un ou l’autre choix, je vais regarder la liste des choses qui manquent à ma vie depuis la perte que j’ai vécue, et je vais tenter progressivement de les remplacer. Je l’ai dit, on ne remplace jamais la personne, l’animal, le travail ou le lieu perdu. Mais on peut remplir le vide que cela laisse dans certains domaines de notre vie.
Pour sortir de la tristesse, je peux donc reprendre la liste des choses perdues et tenter de combler le vide laissé par d’autres moyens. Reprenons l’exemple de la perte de mon chien, je peux procéder ainsi.
- Si j’ai besoin d’un complice pour aller en balade, je peux trouver une personne qui aime aussi marcher dans les bois.
- Et si j’ai besoin d’une motivation pour faire du sport, je peux m’inscrire à un cours.
- Si j’ai besoin d’une raison de me lever le matin, je peux m’engager pour une cause.
- Si je veux une présence bienveillante, de l’affection et des câlins devant la télé, je peux chercher une relation amoureuse.
- Je peux aussi changer radicalement et décider de profiter de la vie sans chien. Peut-être que je veux expérimenter une période de vie où je n’ai plus la contrainte de m’occuper d’un chien, où je peux voyager, vivre en ville ou accepter un travail prenant.
Ces moyens peuvent servir de manière transitoire, jusqu’à ce que je me sente capable de reprendre un chien. Ou cela peut modifier complètement mon mode de vie à long terme. Voire créer un savant mélange des deux : je peux conserver ma nouvelle relation amoureuse et adopter un nouveau chien !
Comment sortir de la tristesse, conclusion
Pour sortir de la tristesse le plus rapidement possible,
- éviter la fuite,
- éviter de résister mais au contraire, accepter de suivre le mouvement de la vague de tristesse,
- observer ce qui se passe dans notre corps pour garder des repères et éviter de rajouter de la peur à la tristesse,
- rechercher le lien avec d’autres personnes, sans forcément parler de notre tristesse,
- regarder en face ce que nous avons perdu,
- lister les différentes choses qui manquent dans notre vie depuis la perte
- les classer par ordre d’importance pour nous
- comprendre ce que cela dit de nous et de nos besoins,
- décider si on veut vivre intensément ou se protéger de la souffrance à venir,
- trouver le moyen de combler nos besoins d’une nouvelle manière, ce qui peut inclure des changements majeurs dans nos choix de vie,
- prendre le temps de faire notre deuil,
- et nous lancer à nouveau dans la vie !
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Photo par Tobias Wahlqvis – Pixabay