Avons nous besoin de plus de contact avec la nature ?

Avons nous besoin de plus de contact avec la nature ?

04/05/2021 0 Par Stéphanie

J’ai entendu une info qui m’a choquée lors d’un entretien de Baptiste Morizot sur France Culture. Il parlait de son nouveau livre Manières d’être vivant. Une étude scientifique montre qu’un « enfant américain est capable de reconnaître plus de 1000 logos de marques. Mais il est incapable de faire la différences entre deux feuilles d’arbres d’espèces différentes. » Cette idée m’a glacée d’effroi. Mais peut-être suis-je trop partiale. Après tout, ces enfants sont simplement adaptés à leur mode de vie citadin. Peut-être n’est-ce pas si grave, et même souhaitable pour eux. Perdons-nous réellement quelque chose dans l’affaire ? Le contact avec la nature est-il vraiment important pour nous ?

Perdons-nous le contact avec la nature ?

Pour répondre à cette question, une équipe de chercheurs a établi une liste de 186 mots liés à la nature, comme automne, nuage, lac, cèdre, saule, pinson, colibri, etc. Puis, ils ont observé la fréquence d’utilisation de ces mots dans les œuvres de culture populaire (chansons, romans, films etc.) entre 1930 et 2014. Ils ont observé qu’avant 1950, l’usage de ces mots était constant. Alors que depuis, il baisse régulièrement pour arriver à un usage trois fois moindre aujourd’hui. Par contre, les mots liés à un environnement artificiel tels que lit, bol ou brique, eux, ne varient pas. Cela témoigne du fait que la nature disparait peu à peu de nos préoccupations et de notre imaginaire. Elle s’efface de nos vies.

Pourquoi ce déclin de contact avec la nature ?

C’est l’urbanisation ?

La cause donnée habituellement concerne l’urbanisation. Après tout, nous sommes de plus en plus nombreux à vivre dans des villes. En 2050, ce sera le cas des trois quarts des humains. Mais les chercheurs de l’étude ont pu démontrer que ce lien n’existe pas. La présence de la nature dans la culture populaire a décliné, même dans des régions où l’urbanisation n’a pas augmenté.

Ou c’est la technologie ?

Par contre, ils en désignent un autre : le développement de la technologie (télévision, internet, jeux vidéos, réseaux sociaux). Ainsi, au début du siècle, les adultes passaient beaucoup de leur temps libre en dehors de leur domicile, à rendre visite à des amis ou à déjeuner sur l’herbe quand la météo le permettait. Et les enfants jouaient dehors, dans les champs et les bois environnants.

Actuellement, selon une enquête du Pew Research Center, environ 1 sur 3 adultes américains dit être pratiquement constamment en ligne. C’était le cas d’1 sur 5 en 2015. Les américains passent déjà 93 % de leur temps en intérieur. Cette progression se poursuit dans tous les pays occidentaux, et parmi la population la plus aisée de tous les pays. Ainsi, enfants et adultes passent toujours davantage de leur temps libre à l’intérieur de leur domicile devant un écran. Ils sont de moins en moins en contact avec la nature.

Et c’est grave ?

Le trouble de déficit de nature

Richard Louv, co-fondateur et président émérite du Children & Nature Network, remarque que les enfants américains passent en moyenne 44h par semaine devant un écran, et moins de 10 minutes par jour à jouer dehors. Il n’hésite pas à parler de « trouble de déficit de nature ». S’il convient que ce n’est pas un syndrome au sens médical du terme, cette situation implique pour les individus concernés une diminution de l’utilisation des sens, des difficultés de concentration, de l’anxiété, davantage de maladies physiques et psychologiques, davantage de myopie, une augmentation de l’obésité infantile et chez les adultes, et un déficit en vitamine D.

On ignore nos informations sensorielles

Également, il observe également qu’un nombre croissant d’humains étudient, travaillent et passent leurs loisirs à court-circuiter la plupart de leurs sens pour se concentrer sur un écran. Or ignorer ses informations sensorielles, c’est se déconnecter de son corps et de son environnement. C’est-à-dire que c’est à l’exact opposé de se sentir vivant. Cela entraîne des problèmes de santé dus à la sédentarité, mais aussi une perte de sens, de l’anxiété et de la dépression.

Réfléchissez juste un instant. Rappelez-vous l’un de vos meilleurs souvenirs, un moment où vous vous êtes senti vraiment vivant et joyeux. Était-ce une journée seul face à un écran ? Ou était-ce un moment où vous faisiez quelque chose dans un endroit spécial en compagnie de vos semblables ?

Nous sommes génétiquement biophiles

Et selon le biologiste E. O. Wilson, notre évolution nous aurait conduits à un état de « biophilie ». C’est à dire que nous recherchons inconsciemment une connexion avec le reste du monde vivant. Selon lui, notre attirance profonde pour les autres formes de vie seraient programmé dans nos gènes. Il expliquerait ainsi pourquoi les enfants sont attirés par la nature. Pourquoi nos préférons une architecture qui inclut des éléments naturels. Pourquoi nous aimons avoir des chiens et des chats, des plantes en pots ou dans notre jardin. Et pourquoi certains sont capables de prendre des risques inconsidérés pour sauver la vie d’un animal.

Aujourd’hui, la génétique confirme que nous sommes intimement liés à toutes les autres espèces vivantes. Elle permet de démontrer un lien de parenté avec toute forme vivante sur cette Terre.

Ainsi, se passer de nature pour nous focaliser sur une réalité virtuelle est un phénomène grave. Cela va à l’encontre de notre nature profonde. Il s’agit là de la perte de notre milieu naturel et social. Pour tout individu, végétal ou animal, cela constitue un stress majeur qui peut le conduire à dépérir, voire à mourir.

Le contact avec la nature, qu’est-ce que j’ai à y gagner ?

Plus d’une centaine d’études ont montré qu’être dans la nature, vivre à proximité ou même regarder des images de nature améliore notre santé. La nature :

  • nous calme
  • réduit notre stress
  • améliore la santé de notre corps et de notre cerveau,
  • favorise les émotions positives,
  • améliore la qualité de nos processus de pensée
  • améliore la qualité de nos interactions sociales.
  • favorise notre guérison,
  • améliore notre bien-être général notamment pendant le vieillissement,
  • améliore notre mémoire.
  • Marcher dans la nature améliore notre image corporelle.
  • Cela nous rend aussi plus ouverts,
  • plus créatifs,
  • plus généreux
  • et plus résilients,
  • et nous donne plus de joie et d’énergie en provoquant la libération de dopamine.
  • Cela réduit aussi nos niveaux d’interleukine 6, un marqueur biologique du risque de maladies cardiovasculaires.

Regarder des images de nature réduit également notre impression d’être pris par le temps. Ou de nous faire « voler notre vie » par des contraintes. Ou encore de perdre notre temps. Marcher dans la nature réduit notre tendance à ruminer des pensées obsessionnelles.

Bref, le contact avec la nature apporte d’innombrables bénéfices pour notre santé physique et mentale. C’est un facteur équilibrant pour l’ensemble de notre personne. Alors, lorsque quelque chose ne va pas, pourquoi ne pas essayer quelques balades dans la nature avant de prendre un Doliprane, de consulter un psy ou de passer ses nerfs sur ses proches ?

Le contact avec la nature adoucit les mœurs…

Le contact avec la nature nous rend plus sociables et généreux et augmente notre altruisme. En plus d’un bénéfice individuel, la nature nous apporte des avantages pour notre vie en société.

En effet, Frances Kuo étudié les populations pauvres de Chicago. Elle a montré que celles qui vivent à proximité de verdure :

  • souffrent moins de troubles de l’attention,
  • sont moins stressées,
  • ont de meilleurs rapports avec leurs voisins,
  • plus de solidarité de groupe
  • et génèrent moins de violence.

On sait également que l’augmentation des espaces verts dans les villes réduisent la criminalité.

Lorsque nous avons des contacts avec la nature, notre vie en société est donc plus respectueuse des individus, plus harmonieuse, plus solidaire et moins violente. En tant que société, nous avons donc tout intérêt à retrouver le contact avec la nature.

Le contact avec la nature est indispensable à notre survie sur la planète Terre.

Comme l’explique Baptiste Morizot, la domestication des animaux nous a conduits à établir avec eux un rapport de domination. Nous l’avons ensuite étendu à la nature entière. Puis aux peuples humains qui n’avaient pas le même rapport au monde que nous, justifiant ainsi la colonisation et l’esclavage. Or, pour beaucoup, ces peuples étaient très conscients de leur place dans la nature, et de leur dépendance au milieu dont ils ne prétendaient pas s’extraire, mais où ils tentaient de maintenir un certain équilibre. Beaucoup d’entre eux ont lancé des cris d’alerte que nous avons ignorés.

Au contraire, notre société a vécu en reposant sur un mythe qui dit qu’en tant qu’humains, nous pouvons nous extraire de la nature pour constituer un milieu de vie indépendant des contraintes naturelles. Nous commençons aujourd’hui à découvrir les conséquences de cette erreur. En effet, nous constatons l’épuisement des ressources, la pollution et la modification du climat, qui peuvent, à terme, mettre en question notre survie. Mais notre réaction collective n’est pas à la hauteur du danger. Pourquoi ?

L’intérêt que nous avons pour la nature et notre tendance à la protéger est conditionnée au fait de la connaître et d’avoir conscience que nous lui sommes intimement liés. Il ne s’agit pas d’avoir simplement une connaissance intellectuelle de la nature, mais une expérience personnelle de notre lien avec elle, une conscience aiguë et intime du fait qu’elle et nous, c’est une seule et même chose. Alors seulement pourrons-nous, en la voyant mourir, comprendre que nous regardons en face notre propre mort, et ressentir cette peur primale qui seule peut déclencher la puissance indispensable en pareil cas : notre instinct de survie.

Le contact avec la nature : conclusion

Depuis les années 50, nous lui tournons le dos, pour notre plus grand malheur, et pour le sien. Nous perdons peu à peu le contact avec notre milieu de vie naturel, ce qui, pour quelqu’être vivant que ce soit, constitue un stress majeur.

Notre stress grandit, notre santé physique et mentale en pâtit, et notre société devient plus violente. Pour oublier cela, nous apprenons à ignorer nos informations sensorielles pour nous concentrer sur la réalité virtuelle présente sur nos écrans. Ce faisant, nous perdons la sensation même d’être vivant. Et le cercle vicieux s’enclenche : en perdant le contact avec la sensation d’être vivants, nous risquons de faire disparaître la vie de notre monde.

Ainsi, si nous voulons survivre en tant qu’espèce, nous devons reconstituer ce lien distendu avec la nature. Nous devons retrouver la conscience que nous sommes la nature, comme elle est nous. Reprenons le contact avec elle dans notre vie quotidienne. Et encourageons nos enfants à aller à sa rencontre, à jouer dehors, et à découvrir la joie qui s’y trouve. Sans cela, à terme, nous disparaitrons, et entrainerons avec nous une bonne part de la vie sur Terre, voire même la totalité.

Apprenons donc à tisser à nouveau des liens avec elle, à reprendre contact avec la nature. Allons lui rendre visite si nous n’allons pas bien. Et si nous allons bien, visitons-la aussi ! Invitons-la dans nos villes et dans nos maisons, dans nos familles, dans nos imaginaires. Redonnons-lui une place dans nos week-ends et nos vacances, dans nos livres et dans nos films. Redécouvrons-la. Soyons curieux. Allons à sa rencontre et laissons-nous émerveiller. Et pour les plus convaincus et les plus motivés, engageons-nous pour sa cause qui est aussi la notre.

Image par FreePhotos – Pixabay

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