Comment avoir raison plus souvent ?
Comment faire pour que ce qu’on dit ou ce qu’on pense soit le plus proche possible de la réalité ? C’est une question importante à toute époque, mais particulièrement en période de crise, où tout le monde y va de son discours d’opinion, de démagogie ou de désinformation, pour ne pas dire carrément de propagande. Au milieu de tout ça, comment éviter de dire des âneries ? Autrement dit, comment avoir raison plus souvent ?
Pourquoi on se trompe aussi souvent ?
La logique est simple : pour avoir raison plus souvent, il faut avoir tort moins souvent et moins longtemps. Pour cela, il faut être capable de remettre en question ce qu’on pense. Or, nous sommes généralement très attachés à nos opinions, pour les raisons suivantes :
- Il se peut que nous ayons une bonne connaissance du sujet en question. Donc nous sommes persuadés que toutes les idées que nous avons à ce sujet sont justes.
- Ou il se peut que nous n’ayons tout simplement pas envie de sortir de notre confort de pensée pour admettre nos torts.
- Ou nous n’avons pas envie de paraître faible ou hésitant.
- Il se peut aussi que nous soyons attachés à nos opinions parce que ce sont celles du groupe auquel nous appartenons : notre famille, nos amis par exemple. Nous confondons alors nos opinions avec notre identité.
Reconnaître que nous sommes faillibles.
Qui d’entre nous ne s’est jamais fait avoir par un canular ? Ou par un escroc ? Qui n’a pas été admiratif devant les tours d’un magicien ou d’en mentaliste ? Notre esprit n’est pas infaillible. En fait, il a même des travers récurrents que nous connaissons bien à présent : il s’agit des biais cognitifs. Nous en avons recensés 180. Parmi les plus connus, il y a :
- le biais de confirmation : on privilégie les informations qui viennent confirmer nos idées préconçues ou nos hypothèses, et on donne moins de poids à celles qui jouent en leur défaveur.
- l’effet de halo : par exemple, une personne connue ou de belle apparence physique sera perçue comme intelligente et digne de confiance.
- le biais de cadrage : c’est la tendance à être influencé par la manière dont un problème est présenté.
- et le biais de conformisme : c’est la tendance à penser et agir comme les autres le font.
- et encore le biais de représentativité : c’est un raccourci mental qui consiste à porter un jugement à partir de quelques éléments qui ne sont pas nécessairement représentatifs.
Par exemple, des chercheurs ont montré que des gens qui regardaient une vidéo d’une manifestation situaient le niveau de violence très différemment selon leur accord ou leur désaccord avec la cause défendue. Pas d’objectivité ici !
Si nous acceptons l’idée que nous pouvons nous tromper, même lorsque nous sommes convaincus de quelque chose, nous devenons capable de mettre en question ce que nous pensons. Par conséquent, nous nous tromperons moins souvent, nous resterons capables d’apprendre, de mettre nos connaissances à jour et de nous adapter à un monde changeant.
Comment avoir raison plus souvent dans une discussion ?
Dans son livre, Adam Grant cite trois attitudes qui empêchent que nos discussions soient enrichissantes. Selon lui, quand nous discutons, nous prenons souvent :
- l’attitude du prêcheur : nous sommes convaincus d’avoir raison
- l’attitude du procureur : nous essayons de prouver que l’autre à tort
- et l’attitude du politicien : nous tentons d’obtenir l’adhésion de notre interlocuteur en lui disant ce qu’il veut entendre, mais sans changer ce qu’on pense en notre for intérieur
Toutes ces attitudes ferment le débat, et nous empêchent d’apprendre de notre interlocuteur. Il vaut mieux aborder la conversation en nous disant « j’utilise les meilleures informations dont je dispose, mais c’est possible que je me trompe ». Car ainsi, nous aurons davantage de respect pour notre interlocuteur, nous serons prêts à remettre en question notre manière de penser et nous avons de bonnes chances d’apprendre quelque chose. Ainsi, nous ne nous accrocherons pas à des arguments obsolètes, et nous aurons donc plus souvent raison.
Comment avoir raison plus souvent en science ?
Afin d’établir des faits le plus justement possible, la science a développé la méthode scientifique. Il s’agit d’une méthode fondée sur la possibilité qu’on puisse avoir tort. Je la résume ici, juste pour montrer en quoi elle rejoint notre argument.
D’abord on observe des faits et on formule une problématique. Puis on fait des hypothèses et conçoit une théorie qui pourrait expliquer ce qu’on a observé. Ensuite, on établit une prédiction basée sur cette théorie, et on réalise une expérience dont l’observation permet de valider ou de rejeter la théorie. Si l’expérience valide la théorie, on a établi que cette théorie est valide « jusqu’à preuve du contraire ».
Enfin, les scientifiques publient leurs expériences et leurs conclusions dans des revues spécialisées. Il s’agit de la revue par les pairs. Le but est que d’autres scientifiques puissent reproduire ces expériences et détectent éventuellement des biais qui rendent les conclusions peu fiables, ou réalisent des expériences dont le résultat invalide la théorie.
Tout ce qui est établi en science l’est « jusqu’à preuve du contraire », c’est à dire qu’on reste toujours ouvert à la possibilité qu’on ait tort. Il est donc possible de continuer à apprendre et à découvrir le monde qui nous entoure indéfiniment.
Comment avoir plus souvent raison en affaires ?
Dans son livre, Adam Grant cite une expérience faite en Italie avec des entrepreneurs débutants. Lors de leur formation, une partie d’entre eux ont appris la méthode scientifique, et l’autre a suivi une formation normale. Au terme de l’expérience, ceux qui avaient une formation à la méthode scientifique affichaient un bénéfice 40 fois supérieur au groupe contrôle. Pourquoi ?
Ils ont appris à établir une hypothèse à partir d’entretiens avec des clients potentiels. Et lorsqu’ils lançaient leur produit, ils l’envisageaient comme un expérience qui pouvait valider ou non leur théorie.
L’expérience a montré qu’ils se sont montrés deux fois plus capables de réviser leurs choix initiaux lorsque les circonstances leur montrait qu’ils étaient erronés. Ils tenaient davantage compte des faits, étaient plus capables de se remettre en question et étaient plus adaptables. Contrairement au groupe contrôle, ils ne s’accrochaient pas à leur idée de départ pour prouver qu’ils avaient raison, mais acceptaient de la faire évoluer.
Comment avoir raison plus souvent en cultivant une simple qualité.
Il s’agit d’une qualité démodée, et qu’on prend de nos jours souvent pour un manque de confiance en soi, ou même de la faiblesse.
Il faut au contraire beaucoup de confiance en soi pour dire « il se peut que j’ai tort, mais je suis prêt à apprendre. » C’est se connaître, connaître ses limites, et avoir foi en notre capacité à toujours faire mieux et apprendre plus. C’est affronter ses limites sans se sentir en danger, et avoir la conviction qu’on peut les faire évoluer. Et c’est aussi respecter son interlocuteur autant que soi-même. On peut l’écouter avec ouverture, sans jugement, et sans être sur la défensive.
Alors qu’on la perçoit souvent comme un aveu de faiblesse, cette qualité est en fait l’expression d’une grande force intérieure. Il s’agit de l’humilité. « Humilité » vient du latin « humus », la terre. C’est la qualité de ceux qui ont les pieds sur terre, qui sont bien ancrés, et qui n’ont pas de prétention. Ainsi, pour eux, avoir raison n’est pas un moyen de satisfaire leur égo, mais au contraire, d’établir des faits dans l’intérêt de tous.
Être humble apporte un bénéfice personnel et social.
Heidi A. Weyment et Jack J. Bauer ont montré que les gens humbles :
- sont moins agressifs,
- ont moins tendance à manipuler les autres,
- sont plus honnêtes,
- et détruisent moins les ressources.
- Ils assument la responsabilité de leurs erreurs et les corrigent
- et sont plus ouverts aux idées des autres.
- Ils sont moins stressés
- et ont un meilleur bien-être physique et mental.
- Ils sont plus généreux,
- plus aidants
- et expriment plus de gratitude.
- Ils sont moins centrés sur eux-mêmes, et sont plus attentifs sur ce qu’il y a autour d’eux.
- Ils ressentent davantage de liberté intérieure.
- Et ils considèrent importantes les choses qu’ils font pour les gens autour d’eux et en font une priorité, mais jugent ces mêmes choses négligeables à l’échelle du monde.
- Ils n’ont pas besoin d’admiration.
Être humble améliore la qualité de votre couple.
Un groupe de chercheurs a démontré que les gens vivent plus de bonheur et d’engagement dans leur couple si leur conjoint est humble. On perçoit les personnes humbles comme plus attirantes. Elles ont un meilleur contrôle de leurs émotions et sont moins sujettes au stress. Ces personnes se connaissent mieux elles-mêmes. Lors d’un conflit, elles sont plus enclines à écouter l’autre et à reconnaître leurs torts sans garder de grief. Contrairement à la situation habituelle, si vous vivez un conflit avec une personne humble, vous verrez certainement la compréhension dans votre couple et le le lien émotionnel se renforcer.
Comment cultiver l’humilité ?
L’humilité est une qualité peu valorisée à notre époque. On attend plutôt des gens qu’ils se vantent de leurs réussites, qu’ils soient sûrs d’eux, voire même arrogants. Nous sommes nombreux à fabriquer la vitrine de notre égo sur les réseaux sociaux. Si on agit autrement, on nous voit comme quelqu’un qui manque de confiance en soi, voire même comme une personne fragile ou faible. Et pourtant, comme nous l’avons vu, l’humilité est une qualité qui a des intérêts énormes pour nous-mêmes et pour tous les gens qui nous entourent.
Quelques outils pour commencer.
Vous pouvez commencer à bénéficier des avantages de l’humilité en mettant en place quelques réflexes simples :
- Lorsqu’on est convaincu d’une chose, admettre l’éventualité qu’on puisse se tromper. Personne n’est infaillible !
- Ne pas prendre les choses personnellement : quand on échoue ou qu’on est critiqué, cela ne signifie pas que nous avons moins de valeur, mais simplement que nous sommes un être humain comme les autres, et que nous n’avons donc ni plus ni moins de valeur que les autres.
- Ne pas confondre nos opinions et notre identité : nous sommes bien plus que de simples idées. Admettre nos torts ne nous met pas en danger. Au contraire, cela nous permet de mettre à jour nos connaissances pour être mieux ancré dans la réalité.
- Comprendre que plus vite vous reconnaîtrez une erreur, plus vous aurez raison souvent.
- Quand vous formez une opinion, demandez-vous ce qui pourrait vous faire changer d’avis. Quel fait ou quelle information pourrait invalider votre théorie ?
- Avoir du respect pour son interlocuteur. Toute autre personne a une expérience de vie différente de la notre. Elle a donc des connaissances que nous ne pouvons pas avoir. Par conséquent, elle a forcément des choses à nous apprendre.
Après avoir expérimenté ces quelques modifications et apprécié les bénéfices que vous en tirez, peut-être aurez-vous envie de développer davantage cette qualité en vous.
Pour une évolution en profondeur.
Cultiver l’humilité n’est pas chose facile ni rapide. C’est un travail long et exigeant. Cela nécessite une plongée en profondeur dans notre nature humaine et notre personnalité, pour en découvrir les qualités, et pour nous en pardonner les défauts. Ensuite, nous serons davantage capables de nous oublier pour porter notre attention sur les autres. Il s’agit de remplacer en nous, peu à peu, avec patience et douceur, nos pensées et actions délétères par des pensées et actions choisies selon les critères ci-dessous, et proposés par des études en psychologie :
1- Accepter son humanité.
Si on vit un échec sur quelque chose qui nous tient à cœur, bien souvent, notre estime de nous diminue, et parfois pour longtemps. Ce n’est pas le cas pour les personnes humbles. Si elles échouent ou essuient des critiques, elles ne se voient pas comme des personnes de valeur moindre. Elles acceptent leurs imperfections. Elles se perçoivent simplement comme des êtres humains comme les autres. Nous pouvons nous entraîner à faire de même en contemplant le fait que nous sommes une personnes sur plus de 7 milliards, mais que notre valeur n’est ni plus grande ni moins grande que celle de tous les autres être humains.
2- Se connaître
Les personnes humbles ont une conscience claire de leurs qualités et de leurs défauts. Elles se connaissent bien elles-mêmes. La pratique de la méditation peut aider à développer cette capacité. En effet, la méditation permet de développer la conscience de soi en nous permettant d’observer nos pensées sans jugement.
3- Avoir de la compassion pour soi-même
Quand on fait connaissance avec soi-même, on découvre nos zones d’ombre. Nous devons accepter ces parties de nous-même sans nous condamner, avec compassion, en nous traitant avec douceur et compréhension.
4- Exprimer de la gratitude
Une étude a montré que la gratitude et l’humilité se renforcent mutuellement. Exprimer de la gratitude peut développer notre humilité. Dire merci permet de reconnaître les bienfaits qui nous arrivent, et la valeur des personnes par qui ils arrivent. Cela nous décentre de nous-mêmes et nous fait porter notre attention sur les autres, ce qui est une caractéristique des personnes humbles.
Avoir raison plus souvent, conclusion.
Vous l’aurez compris, l’intérêt d’avoir raison plus souvent n’est pas de gagner des débats, écraser vos interlocuteurs ou flatter votre égo. L’intérêt est de ne pas propager d’informations fausses ou de ne pas agir sur des bases fausses, pour le bien de tous.
Être capable de remettre en question nos opinions et croyances avec aplomb, sans se sentir mis en danger dans notre identité, c’est démontrer une grande honnêteté et une grande force intérieure. Cela nous donne aussi une grande liberté intérieure car nous sommes alors libérés de notre égocentrisme. Nous pouvons alors nous intéresser sans réserve aux autres et à notre environnement, et agir pour le bien commun.
Que penser alors de ceux qui affirment leurs opinions avec force, autorité et même arrogance ? Tout simplement qu’ils ont de fortes chances d’avoir tort. Et ces gens ont également de fortes chances de travailler à leur intérêt personnel plutôt qu’au bien commun, car ils ne sont pas libérées de leur égocentrisme. Il faut donc peu donner foi à ce qu’ils avancent, et mettre leurs affirmations à l’épreuve des faits. Pensez-y la prochaine fois que vous entendez dans les médias un discours politique ou le témoignage d’un « expert » !
Et surtout, restez positifs !
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Photo par SarahRichterart- Pixabay